Coup de gueule résolument perso
Aujourd’hui, j’ai encore lu une petite phrase qui m’a mise hors de moi. Une petite phrase toute bête, qui disait un truc du genre “De toute façon, pour être mince, c’est pas bien compliqué : manger équilibré, faire un peu de sport,…”.
Quand je pesais 40kg de plus qu’aujourd’hui, ce genre de phrase était une douleur de plus, qui venait s’ajouter aux douleurs physiques et morales que subissent ceux qu’on appelle si joliment les “obèses”.
Parce qu’être gros, contrairement à cette image de copine toujours souriante et boute-en-train qu’on nous colle, c’est une douleur. Permanente. Insoutenable. Assassine.
Physique, d’abord. Parce qu’il ne s’agit pas que d’inconfort, que de difficultés, comme de se relever après s’être accroupi ou se plier en deux pour mettre ses chaussures, mais de douleurs diverses et variées avec lesquelles on vit, chaque jour, chaque seconde.
Marcher trop longtemps signifie irrémédiablement finir avec la peau brulée à vif à l’intérieur des cuisses, sous l’effet du frottement (et accessoirement, les pantalons n’apprécient guère plus le traitement, s’usant ainsi fort prématurément).
Porter des chaussures féminines, déjà parfois douloureux quand on pèse un poids standard, devient une véritable torture quand c’est le double de ce poids qui vient s’écraser sur quelques centimètres carrés de plante de pieds.
Je vous épargne les entorses à répétition, et tout un tas d’autres joyeusetés qui rythment le quotidien des “gros”.
Je vous épargne également la douleur morale. Parce que visiblement, personne ne peut la comprendre à moins d’avoir été concerné.
Personne, et surtout pas tous ces gens que j’ai croisé, toute ma vie, et qui y sont allés de leur bon conseil :
“Ecoute, moi, tous les matins, en me levant, je bois un graaaaand verre d’eau, c’est s’assurer une journée qui commence bien, ça purifie ton corps et modère ton appétit”. Dixit l’esthéticienne de ma mère, 45kg mouillée, quand j’avais 19 ans.
“Nan, mais écoute, Sophie, c’est pas sorcier, j’suis sure que si tu faisais un peu de sport, tu perdrais tout ça”. Dixit mon meilleur ami, il y a une dizaine d’année (et je l’aime encore, hein, parce que vous avez beau être cons, vous êtes pas méchants).
“Je suis sure que vous ne mangez pas si équilibré que vous le dites, suivez ce document à la lettre et revenez dans un mois”. Dixit un nutritionniste, il y a 5 ans, dont le régime m’a fait doucement rigoler, moi qui mangeait de la viande grillée ou du poisson vapeur et des légumes à chaque repas. Et qui s’est quand même débrouillé pour me faire PRENDRE 4kg en un mois, avec son super régime que lui il savait trop bien ce qui était bon pour moi.
Il y en a eu des centaines d’autres. Des qui disent que le poids c’est dans la tête, des qui pensent qu’on se lève la nuit pour manger dans notre sommeil, que c’est pas possible d’être si gros en mangeant normalement. Des qui se moquent en pensant qu’on est tellement gros que la moquerie passera pas la première couche de graisse, des qui n’avouent pas mais ne donnent pas suite à un entretien d’embauche pourtant prometteur…
Et puis un jour, il y a une rencontre avec un homme tout simple, un nutritionniste moins con que la moyenne. Qui me prend la main et m’explique que si j’ai souvent des fringales de sucré, c’est parce que mon pancréas déconne. Et que même si je ne cèdepas à l’appel du chocolat, ben il va stocker quand même, cet enfoiré, dès que je mangerai une feuille de salade, une pomme de terre bouillie, un micro bout de pain ou du fromage blanc, même à 0%, parce que du sucre, y en a partout.
Au final, il aura fallu 5 ans pour perdre 40 kilos, rentrer dans des fringues en taille 40 et commencer à apprécier mon reflet dans une glace.
Et la bataille n’est pas gagné, parce que c’est une course de fond, c’est un régime qui dure toute une vie, c’est une frustration de tous les instants, une espèce de malédiction qui pourrit l’existence, parce que le moindre excès est visible sur la balance, parce que chaque week-end festif est suivi d’une semaine de régime strict, parce que la vie est une pute et que certaines personnes n’ont pas la chance de conserver un poids normal “en buvant un grand verre d’eau le matin dès le réveil”.
Parce que je peux vous assurer que c’est bien plus compliqué que ça et que non, tous ces ‘gros’ que vous croisez tous les jours ne sont pas juste des “grosses feignasses qui lèvent jamais le cul de leur chaise et passent leur temps à bouffer”.
Il y a des milliers de causes possibles et vouloir à tout prix penser que ce qui fonctionne pour un corps sain qui n’a pas de souci pour métaboliser ses apports peut fonctionner pour un corps en souffrance tellement déréglé qu’il en arrive à l’obésité, c’est se leurrer et c’est insultant.
Alors par pitié, tournez votre langue 7 fois dans votre bouche avant d’administrer un conseil plein de bon sens qui parlerait de “manger-bouger”.
Merci pour eux (et pour moi, parce que 40kg plus tard, je suis toujours grosse dans ma tête et quelque part, tant mieux).