De la mort 2.0
Oui, je sais, “2.0” c’est sooooo 2005, mais dans l’affaire, le titre n’a pas d’importance.
Il y a quelques jours, alors que je cherchais un vieil ami sur Facebook pour lui souhaiter une bonne année 2011, j’ai découvert, stupéfaite, qu’il nous avait quitté, “grâce” à un groupe créé par ses amis pour célébrer sa mémoire.
Outre le choc et la peine, au delà des regrets de n’avoir pas pris le temps d’organiser une rencontre lorsque nous nous étions retrouvés il y a 2 ans (grâce à Facebook) après une dizaine d’années sans nouvelles, c’est le rapport à la mort, mon rapport à la mort, qui s’en est trouvé bousculé, et tout un tas de questions ont surgi. Questions auxquelles je n’ai pas de réponse, mais que je pense utile de partager.
Déjà sur l’outil, sur ces fameux réseaux sociaux, sur ces opportunités qu’ils offrent. Sans Facebook, je n’aurais jamais retrouvé Miguel, je n’aurais pas eu la chance d’échanger avec lui, de découvrir ce qu’il avait fait de sa vie ces dernières années, de découvrir sa passion pour le parachutisme, de sourire à ses photos.
Loin de déshumaniser la relation humaine, très loin de ces reproches qu’on a longtemps fait au web d’être ‘virtuel’ et néfaste pour les relations ‘réelles’, je constate chaque jour à quel point le web me rapproche de gens avec lesquels je n’aurais que très peu de contacts sans ces outils. Famille éloignée, anciens collègues, camarades de classe, autant de gens dont je partage un peu le quotidien, ou tout du moins ce qu’ils en montrent.
Ce sentiment de proximité n’est il pas pour autant un leurre ? Si ses amis proches n’avaient pas eu le réflexe de créer un groupe pour se réunir dans la peine, aurais-je jamais su ce qui s’était passé ?
Et si demain, c’était moi que la faucheuse emportait, qui s’inquièterait de ne plus lire mes tweets, de ne plus voir de mises à jour sur Facebook, hormis les ‘vrais’ proches, les amis, la famille, les gens ‘de la vraie vie’ ?
En y réfléchissant bien, il y a des gens qui sont apparus et qui ont disparu sans que je m’en inquiète, parmi mes followers, mes followings, mes ‘amis de Facebook’. Des noms, des pseudos, pixels anonymes, avec lesquels j’ai échangé, qui ont peut-être croisé mon chemin pendant quelques jours, quelques semaines, et qui, aujourd’hui disparus dans les lymbes du net, ne manquent pas à ma vie.
Et vient la question de l’après. Les profils Viadéo, Linkedin et consorts de mon ami disparu existent toujours, et son sourire s’affiche, insolent, à la moindre requête Google faite sur son nom, comme un pied de nez au destin, une ultime rodomontade qu’il nous ferait, “pas si mort”, en somme.
Je suppose qu’il existe une procédure pour déclarer un décès, mais qui en aura l’idée ? Et comment traiter le profil d’un membre décédé ? Le conserver, le supprimer, y porter une mention speciale ‘in memoriam’ ? Et pour les centaines de sites moins structurés, les forums, les chats, comment procéder ?
Il existe des sites, comme LaViedApres.com, qui permettent d’écrire une sorte de testament numérique et de regrouper les traces que l’on souhaite laisser… J’avais cru voir qu’il était possible d’indiquer ses identifiants pour que les survivants puissent gérer, justement, la suppression de ces profils. Mais sérieusement, qui d’entre nous prendrait la peine de noter identifiants et mot de passe de l’ensemble des sites et services auxquels on s’inscrit tous les jours ? Et qui, dans de telles circonstances, voudrait /saurait prendre le temps de supprimer tous ces profils ?
Au final, en étant le premier de mes amis en ligne à disparaître, tu as trouvé le moyen d’occuper mes pensées, Miguelito…