La charnière
Il y a 12 ans, je reprenais mes études, bien consciente que mon bac +0 et mes 4-5 années de startups et boîtes des « NTIC » ne seraient pas suffisants pour passer professionnellement à la vitesse supérieure.
Et effectivement, dès mon Master en poche, j’intègrais une boite intéressante, puis me faisais débaucher par une deuxième, puis finissais par lancer la mienne, sur une opportunité, fatiguée du manque d’éthique dans le secteur du conseil, où les agences tordent les besoins du clients pour les faire rentrer dans les cases de leurs compétences.
Fin 2013, après 5 années d’entrepreneuriat, j’ai été intégrée en tant que salariée dans une entreprise cliente, à un poste intéressant, avec de nombreux challenges à relever et une éthique qui me correspond.
Fin 2013… Ca n’a l’air de rien, mais c’est la première fois que je fête mon 3ème anniversaire professionnel dans une boite qui n’est pas la mienne.
Aujourd’hui, je sens, je devine, que les 3-4 prochaines années seront des années « charnière », qui présageront de ce que sera ma fin de carrière, les 15-20 années qui me restent à « tirer ».
Et parmi les choix que je devrais faire pour la suite, celui qui me titille régulièrement : reprendre (encore) le chemin des bancs de l’école, pour un MBA cette fois, soit 2 à 3 années d’investissement pour passer à la vitesse supérieure.
Oh, ça ne sera pas pour tout de suite… Professionnellement, j’ai encore bien trop de challenges à relever pour trouver l’énergie de mener école et boulot de front, et surtout, personnellement, je ressens une urgence à « profiter ».
Profiter de ce confort que m’offre le télétravail, profiter d’en avoir les moyens pour voyager, profiter de ma fille tant qu’elle vit encore sous notre toit (nan parce que mine de rien, 15 ans, c’est juste 3 ans avant la Fac, et vu l’autonomie et l’indépendance que j’ai instillé dans son éducation, je doute fort qu’elle traîne dans sa chambre d’ado jusqu’à 30 ans ;)).
Bref, il n’y a pas d’urgence, mais telle un joueur d’échec, je pense aux coups d’après. Au moment où, l’oiseau ayant quitté le nid, je devrai décider entre ma vie professionnelle actuelle, qui est loin d’être déplaisante et m’offre des perspectives intéressantes en terme de « délocalisation » (après tout le home office a ceci de fabuleux qu’on peut bosser d’à peu près n’importe où dans le monde) ; ou pousser encore un peu plus loin, un peu plus fort, et trouver l’énergie de repartir dans 2-3 années de dingue, pour, dans 10 ans, avoir franchi un nouveau cap professionnel…
Quand j’ai fêté mes 30 ans, à quelques semaines de reprendre mes études, une relation pro m’avait dit : « Tu sais, Sophie, ta carrière professionnelle se joué entre 30 et 40 ans. À 40 ans, il faut que tu aies triplé ton salaire pour être tranquille ».
Et effectivement, cette dizaine a été capitale. Si je n’avais pas fait les choix que j’ai fait, si je n’avais pas sacrifié ma vie personnelle pendant un an pour reprendre mes études, puis ma sérénité pour me mettre à mon compte, je ne serais probablement pas beaucoup plus avancée qu’à l’époque…
Mais je n’ai pas pour autant l’impression que ce n’est pas également le cas entre 40 et 50 (à moins d’ambitionner une retraite anticipée, mais je ne suis pas sûre de pouvoir me le permettre).
J’ai plutôt l’impression qu’il y a des étapes charnières, des moments pour se (re)poser, des moments pour faire des choix, qui sont autant de portes qu’on décide d’ouvrir ou pas.
Et bien qu’on soit conscient de ces étapes charnières, c’est avec le recul, en regardant les portes qu’on a choisi d’ouvrir par le passé, celles qu’on a ignorées, qu’on voit se dessiner un schéma, une ligne directrice, qu’on comprend ce qui est important, ce qui nous pousse, ce qui nous rebute.
Et au final, qu’on entrevoit mieux la prochaine porte à pousser 😉
Il y a dans la vie plein de moments de ce genre… je les appelle plus des carrefours. Travail ? Famille ? Faire des choix sans jamais regarder dans le rétroviseur car le choix qu’on aura fait on s’y sera investi à fond. C’est comme cela que j’ai choisi mon expatriation, que j’ai vécu à fond, sans jamais considérer ce que ma vie aurait été en métropole.