Le web manque totalement de créativité
Et ce sont des professionnels qui vous le disent.
J’assistai hier soir, en tant que membre du Jury, à la soirée de remise des Palmes de la Com’, qui fêtait son 15ème anniversaire. Cette compétition décerne différents prix, dont une catégorie un peu fourre-tout intitulée Web et Nouveaux Médias pour laquelle nous devions, Marie et moi, remettre 3 prix, sous la présidence de Franck Tapiro, éminent publicitaire fondateur de l’agence Hémisphère Droit à qui l’on doit notamment la campagne « Njut » d’Ikea.
Monsieur le Député-Maire Brochand, Maire de Cannes depuis 2001, a ouvert la cérémonie en se présentant aux 300 professionnels présents non pas en tant qu’élu mais en tant qu’amoureux de la publicité, ancien Président de DDB, fondateur en 1986 de l’école qui deviendra plus tard « Sup de Pub ». Il a démarré un long discours sur la créativité, la publicité, la difficulté de durer et soudain, il a enchaîné sur le web en commençant par une saillie à propos de Twitter « où il n’avait jamais vu une once de créativité, de toute manière comment pourrait-on l’être en 140 caractères »… Sic.
Une diatribe anti-web a ensuite suivi, où Monsieur Brochand a comparé les bannières (sic) à la réclame des années 30 et affirmé d’un ton qui ne méritait aucune discussion qu’il n’y avait aucune créativité sur Internet, que c’était un média pauvre dont on ne pouvait (malheureusement ?) pas se passer et qu’il enjoignait les professionnels présents à travailler à ce que le web devienne enfin créatif (re sic).
J’ai failli me lever et partir. Présente au jury pour justement défendre les créations digitales que les professionnels de la communication ‘traditionnelle’ ne savent pas appréhender dans leur complexité technique, je me suis sentie insultée, non pas à titre personnel, mais au nom de tous les professionnels et les passionnés que je côtoie, que j’admire, que j’observe, que je lis, et qui font d’internet l’espace le plus créatif qui n’ait jamais existé, où la technique vient appuyer l’imagination de ceux qui y créent, avec une expertise incomparable. J’ai mis ce jugement hâtif sur le compte d’une grande méconnaissance du média et me suis calmée (un peu).
Quand Franck Tapiro, introduisant à son tour la cérémonie, a rebondi sur le web et son manque de créativité, affirmant que si cela n’avait tenu qu’à lui, aucun des dispositifs présentés dans la catégorie Web et Nouveaux Médias n’aurait eu de prix, j’ai senti monter à nouveau une sourde fureur. A son tour, il insultait, probablement aussi par méconnaissance et surtout par manque de temps pour examiner les dossiers lors des délibérations la semaine dernière, toute une profession et les nombreuses et talentueuses agences de la région (mais pas que) qui avaient présenté une campagne.
Et puis il faut l’avouer, je n’imaginais pas comment j’allais pouvoir dire ensuite, en remettant le prix, que nous avions eu du mal à comparer les dossiers présentés, la plupart excellents, tous très différents par leur nature (puisque sont présentés dans la même catégorie des sites web, des dispositifs social média, des applications iPhone, des bornes interactives…).
J’étais furieuse, prête à empoigner mon sac et partir, ma présence devenant totalement inutile, désemparée face à une telle hostilité à l’encontre d’un univers tout entier, qui ne se résume ni à une profession ni à un usage, mais qui est le mien depuis de nombreuses années.
Quand soudain, j’ai réalisé qu’ils avaient raison.
C’est vrai, réfléchissons… Que voient-ils du web, tous les jours, dans leur utilisation lambda ?
Des campagnes de comm’ resucées, simples déclinaisons sur la toile de concepts imaginés par des agences dites globales qui ne maîtrisent pas les aspects techniques du web et en font un usage basique. Des sites web certes jolis mais sans créativité ou innovation véritable, du fait de la pauvreté des budgets accordés et du manque d’expertise des annonceurs en digital. Des dispositifs social media sans valeur, sans âme, mis en oeuvre par des communicants qui ne connaissent pas les spécificités des réseaux sociaux et qui en font, pour les entreprises, de simples relais de leur communication corporate.
Tu vends un produit pour les filles ? Un billboard sur AuFéminin et une campagne Doctissimo. Tu veux créer le buzz ? Hop, un jeu concours sur Facebook avec un relais emailing et un peu d’UCG, histoire de susciter l’intérêt… Les annonceurs corporate sont accompagnés par des agences corporate pour qui le web est à la fois un canal « à part » par sa technicité et un incontournable qu’ils doivent vendre à toutes les sauces (mais pas trop cher) pour satisfaire une demande client de plus en plus forte. Les institutionnels rédigent des appels d’offre basés sur leur propre connaissance média auxquels les agences qui répondent s’attachent à ‘coller’ sans aucune latitude.
Ceux qui font le web de demain, au final, sont peu visibles.
Ils ne répondent pas aux appels d’offre, bien souvent trop occupés à créer, imaginer, inventer. Ceux qui innovent ne bossent souvent pas en agence, à l’exception de quelques agences digitales en France qui savent les attirer et les retenir, ils travaillent pour eux, ils développent leur service, leur idée, leur produit digital. Ceux qui créent ne créent bien souvent pas pour un client mais pour eux mêmes, pour le plaisir de créer, par amour du beau, de l’innovation, de la technique, du challenge.
Il faut, pour comprendre l’immense creuset créatif qu’est le web, savoir voir au delà, faire preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit. Ne pas s’arrêter à l’évident, à ce qui fait la norme par la quantité, et deviner l’énorme potentiel dans quelques réalisations de qualité. Juger de la créativité du web tout entier en se basant sur les manifestations les plus évidentes de la « publicité en ligne », ce serait comme juger de la créativité de l’ensemble des professionnels de la communication sur la base d’une pauvre affiche dans un abri-bus de campagne.
Je pensais que les communicants et les publicitaires, ceux qui portent le message des entreprises et des institutions, commençaient à comprendre l’importance d’intégrer vraiment le digital, dans toute la richesse de sa technicité, à son plein potentiel.
Ce que j’ai entendu hier soir ne m’a pas rassurée sur ce point.
C’est juste que la société avance plus vite qu’eux.
La classe politique va se renouveler et les idées aussi.
Soyons patients…
Et les publicitaires aussi ?
Ils vont être obligé.
Live and let die !
Je pense que ces professionnels seront plus à même de changer et d’appréhender le web, que ne le ferait les politiques. On peut se souvenir avec émotion de Jacques Chirac et de sa prise de conscience face au « mulot » (dixit les guignols de l’info), la simple souris d’un ordinateur 😉
C’est juste que la société avance plus vite qu’eux.
La classe politique va se renouveler et les idées aussi.
Soyons patients…
Et les publicitaires aussi ?
Ils vont être obligé.
Live and let die !
Je pense que ces professionnels seront plus à même de changer et d’appréhender le web, que ne le ferait les politiques. On peut se souvenir avec émotion de Jacques Chirac et de sa prise de conscience face au « mulot » (dixit les guignols de l’info), la simple souris d’un ordinateur 😉
Merci pour cet article qui présente le côté aval de ce qui était évoqué en amont dans l’article « tu comprends c’est pour le web » de Célina Barahona et Olivier Ravard.
http://www.cyroul.com/campagnes-pub-on-line/tu-comprends-cest-pour-le-web/
Il n’y a pas de créativité dans le web, car il n’y a pas de budget, il n’y a pas de budget, car le potentiel du web est encore et toujours sous-estimé.
Question de génération ? si seulement…
Merci pour cet article qui présente le côté aval de ce qui était évoqué en amont dans l’article « tu comprends c’est pour le web » de Célina Barahona et Olivier Ravard.
http://www.cyroul.com/campagnes-pub-on-line/tu-comprends-cest-pour-le-web/
Il n’y a pas de créativité dans le web, car il n’y a pas de budget, il n’y a pas de budget, car le potentiel du web est encore et toujours sous-estimé.
Question de génération ? si seulement…
Les agences de com ont pour habitude de mettre au point une publicité qui sera déclinée sur des supports médias différents. C’est la même campagne que l’on diffuse sur la radio, la télé, que l’on a déclinée en print et bien trop souvent en web. Rare sont les agences qui crées de manière spécifique pour le web. Cela étant dit, elles existent et le web fourmille de très bonnes créas !
ETRE CREATIF C EST UNE RAISON D ETRE ON NE PEUT PAS LUTTER CONTRE SA NATURE… QUELQUE SOIT LE SUPPORT LA CREATIVITE NE PEUT PAS MOURIR MAIS PEUT JUSTE S ESSOUFLER LE TEMPS QU UN NOUVEAU GENIE NOUS CONCOCTE UN NOUVEAU MOYEN DE COMMUNIQUER …
ETRE CREATIF C EST UNE RAISON D ETRE ON NE PEUT PAS LUTTER CONTRE SA NATURE… QUELQUE SOIT LE SUPPORT LA CREATIVITE NE PEUT PAS MOURIR MAIS PEUT JUSTE S ESSOUFLER LE TEMPS QU UN NOUVEAU GENIE NOUS CONCOCTE UN NOUVEAU MOYEN DE COMMUNIQUER …
J’ai essayé (sans succès) d’assister aux Palmes de la Comm’. J’étais justement curieux de voir ce qui était considéré comme innovant et intéressant dans le coin.
Première remarque: le numérique est tellement créatif qu’on ne peut plus imaginer comment se passer aujourd’hui d’innovations qui n’ont pas dix ans, Des dispositifs social media? Des jeux sur Facebook? Des applis mobiles? Ca a été inventé quand? Et on voit déjà ça comme jurassik tech…
Deuxième remarque: il n’y a de toutes façons que 5 à 10% d’un domaine donné qui se démarque vraiment. Le reste, c’est la partie gauche de la courbe de Gauss, c’est du médiocre. Mais ça représente en général 95% du business. Donc non, Brochand n’avait pas raison. Le manque de créativité est universel, c’est une loi mathématique.
Illustration: Choisissez un domaine quelconque: parfums, montres de luxe, voitures, biscuits apéritif, liquide vaisselle, pièces auto. Est-ce que la pub type associée n’est pas déjà dans votre tête? On a besoin de créatifs pour broder à l’infini sur le même thème?
Je propose à So la parole de Gandhi: First they ignore you, then they laugh at you, then you win. La plupart des vrais innovateurs sont dans la phase « ignore ». Brochand a placé le web dans la phase « laugh ». Mais le web, c’était déjà « win » il y a cinq ans, et le mobile il y a deux ans. Juste deux trains de retard.
Aujourd’hui, la créativité est ailleurs, à des endroits que la majorité de ceux qui assistent aux Palmes de la Comm ignorent entièrement.
Bien résumé, c’est représentatif du manque de créativité. Cela le fait penser au film « 99 francs » de Jean Dujardin, avec cette phrase culte : « les pubs étaient bien souvent meilleures que les films, certaines étaient des bijoux d’inventivité ». Qui se souvient encore de Kodac, Eram, etc. Comme d’excellentes pub à la télé, adaptées à ce média ? Avons-nous la même chose sur le web 25 ans plus tard?
J’ai essayé (sans succès) d’assister aux Palmes de la Comm’. J’étais justement curieux de voir ce qui était considéré comme innovant et intéressant dans le coin.
Première remarque: le numérique est tellement créatif qu’on ne peut plus imaginer comment se passer aujourd’hui d’innovations qui n’ont pas dix ans, Des dispositifs social media? Des jeux sur Facebook? Des applis mobiles? Ca a été inventé quand? Et on voit déjà ça comme jurassik tech…
Deuxième remarque: il n’y a de toutes façons que 5 à 10% d’un domaine donné qui se démarque vraiment. Le reste, c’est la partie gauche de la courbe de Gauss, c’est du médiocre. Mais ça représente en général 95% du business. Donc non, Brochand n’avait pas raison. Le manque de créativité est universel, c’est une loi mathématique.
Illustration: Choisissez un domaine quelconque: parfums, montres de luxe, voitures, biscuits apéritif, liquide vaisselle, pièces auto. Est-ce que la pub type associée n’est pas déjà dans votre tête? On a besoin de créatifs pour broder à l’infini sur le même thème?
Je propose à So la parole de Gandhi: First they ignore you, then they laugh at you, then you win. La plupart des vrais innovateurs sont dans la phase « ignore ». Brochand a placé le web dans la phase « laugh ». Mais le web, c’était déjà « win » il y a cinq ans, et le mobile il y a deux ans. Juste deux trains de retard.
Aujourd’hui, la créativité est ailleurs, à des endroits que la majorité de ceux qui assistent aux Palmes de la Comm ignorent entièrement.
Bien résumé, c’est représentatif du manque de créativité. Cela le fait penser au film « 99 francs » de Jean Dujardin, avec cette phrase culte : « les pubs étaient bien souvent meilleures que les films, certaines étaient des bijoux d’inventivité ». Qui se souvient encore de Kodac, Eram, etc. Comme d’excellentes pub à la télé, adaptées à ce média ? Avons-nous la même chose sur le web 25 ans plus tard?
Bonjour Sophie.
Merci pour ce petit compte rendu.
Je ne vais pas m’attarder sur le visage politique mais sur celui de Mr Tapiro.
En effet, résumé le manque de créativité dans le web c’est comme résumé la créativité de la pub télé aux seules campagnes de Lessive…tout un programme en soi.
Premier constat : à ce jour peu de dispositif de communication sont créés à partir de la colonne web pour être relayés et déclinés en suite sur les autres média. C’est un fait!
A qui la faute alors?
Aux annonceurs?
Bien souvent ils privilégient la télé comme principal canal de vente. (Je travail pour des grandes marques de jouets, c’est édifiant le ROI dans ce secteur avec la pub télé, pourquoi changerait ils leur stratégie?).
Aux Patrons d’agence? Il est plus rentable de vendre des creas télé, presse que du web…souvent en tout cas.
Aux créatifs?
Cela fait un peu plus de 10 ans que le web est présent, cela veut dire que dans le meilleur des cas un créa de 20 ans aujourd’hui à eu pour source première de contact avec la pub les autres canaux… Pas étonnant eux aussi qu’ils pensent avant tout leur créativité sur des formats tv ou print.
Mais les choses changent! Et les outils du digital permettent maintenant de superbes campagnes inventives et performantes.
C’est mon deuxième constat. Il y a de la créativité dans le web, que ce soit dans l’utilisation des outils, dans la construction des dispositifs ou dans les messages. Qui plus est avec l’arrivée des outils sociaux! Que dire des campagnes comme Tipp Ex, Chabal avec Orange…
En définitive, je crois que je me serai levé Sophie!
Bonjour Sophie.
Merci pour ce petit compte rendu.
Je ne vais pas m’attarder sur le visage politique mais sur celui de Mr Tapiro.
En effet, résumé le manque de créativité dans le web c’est comme résumé la créativité de la pub télé aux seules campagnes de Lessive…tout un programme en soi.
Premier constat : à ce jour peu de dispositif de communication sont créés à partir de la colonne web pour être relayés et déclinés en suite sur les autres média. C’est un fait!
A qui la faute alors?
Aux annonceurs?
Bien souvent ils privilégient la télé comme principal canal de vente. (Je travail pour des grandes marques de jouets, c’est édifiant le ROI dans ce secteur avec la pub télé, pourquoi changerait ils leur stratégie?).
Aux Patrons d’agence? Il est plus rentable de vendre des creas télé, presse que du web…souvent en tout cas.
Aux créatifs?
Cela fait un peu plus de 10 ans que le web est présent, cela veut dire que dans le meilleur des cas un créa de 20 ans aujourd’hui à eu pour source première de contact avec la pub les autres canaux… Pas étonnant eux aussi qu’ils pensent avant tout leur créativité sur des formats tv ou print.
Mais les choses changent! Et les outils du digital permettent maintenant de superbes campagnes inventives et performantes.
C’est mon deuxième constat. Il y a de la créativité dans le web, que ce soit dans l’utilisation des outils, dans la construction des dispositifs ou dans les messages. Qui plus est avec l’arrivée des outils sociaux! Que dire des campagnes comme Tipp Ex, Chabal avec Orange…
En définitive, je crois que je me serai levé Sophie!