Communication (digitale ou pas), ROI, KPI et autres acronymes barbares.
Avez-vous vu fleurir, dans nos rues et sur nos boulevards, les boutiques dédiées à la e-cigarette ? Une opportunité et paf, un business, florissant mais éphémère, un business basé autour d’un produit, qui n’installe pas une marque mais permet des gains rapides, sur du court terme. C’est assez régulier, ce genre de mode, et quand on connait un peu ce milieu, on se rend compte que ce sont ces mêmes commerçants qui, il y a quelques années, pratiquaient le désimlockage ou vendaient des systèmes anti-radar. C’est typiquement le genre de commerce basé sur une forte culture ROI, avec des business plan mega pragmatiques : coûts fixes, coûts variable, estimation du trafic devant le magasin et hop, l’affaire est dans le sac.
Avant l’avènement de la publicité, quand il s’agissait encore de réclame, la notion de ROI était nettement moins prégnante. A l’arrivée du web, alors que la publicité avait déjà été décortiquée et rationnalisée, beaucoup se sont laissés tenter par le tout ROI. Après tout, rien ne permet aussi bien que la publicité en ligne de connaître précisément les effets immédiats d’une campagne, d’en mesurer les retombées financières et donc, d’optimiser son ROI.
Ok. J’ai fait partie de ceux qui ont vanté les mérites des campagnes Adwords, qui ont fustigé le CPM pour vendre de l’affiliation, qui ont décrété qu’hors ROI, point de salut. Mea culpa.
Déjà à l’époque, j’avais changé mon fusil d’épaule en constatant que les campagnes de liens sponsorisées fonctionnaient mieux lorsqu’elles étaient assorties d’achat média, visant à accroître la notoriété de la marque, renforçant la confiance avec ce fameux ‘effet répétition’ si connu des publicitaires d’antan. Et l’arrivée des réseaux sociaux m’a confortée dans mes certitudes : une marque ne se construit pas sur une politique exclusivement ROI. Certes, de nombreuses entreprises prospèrent sur cette base, mais si vous y regardez de plus près, vous constaterez que :
- soit elles sont sur des marchés de niche et des produits éphémères, et que donc leur valeur ajoutée n’est pas dans leur marque mais dans leur capacité à renouveler leur offre en permanence pour surfer sur la tendance (y compris des recherches sur Google),
- soit elles ont compris que l’amélioration de l’expérience client et la proximité avec leur marché serait leur force et « investissent » dans des canaux moins mesurables que sont les réseaux sociaux, le service client, les services, etc…
Revenons-en à la communication. Revenons-en à ces entreprises qui arrivent au bout de leur politique tout ROI, qui ont tenté maladroitement d’investir les réseaux sociaux avec une volonté de toujours générer un acte d’achat derrière chaque tweet, derrière chaque photo publiée. A celles qui ont oublié de construire une marque, avec une identité forte et des valeurs et qui aujourd’hui, peinent à trouver leur USP, faute d’avoir su se démarquer, su définir une stratégie et s’y tenir.
Le concept n’est pas nouveau mais au ROI, j’oppose régulièrement le RONI (Risk Of Non Investment) à ceux qui, comprenant que quelque chose cloche dans leur modèle économique, s’adressent à nous. Parce qu’au final, même si de nombreux experts s’accordent à dire que oui, le ROI des réseaux sociaux en particulier ou de la communication en général existe bel et bien, j’ai plutôt tendance à prendre le problème à l’envers : quels risques y a t’il à ne pas ‘communiquer’ (et j’y englobe aussi bien l’achat d’espace que les RP, les campagnes papier que les réseaux sociaux, la mise en place d’une stratégie web que l’évènementiel) ?
Ils sont nombreux, intangibles bien souvent et pourtant bien réels, avec un vrai potentiel de nuisance voir une vraie menace sur l’entreprise :
- Ne pas investir dans la création de sa marque et sa notoriété confine l’entreprise à un modèle économique qui tourne autour de son produit, ou de son service. Le risque est alors grand de se voir voler la vedette par un nouveau produit, un produit moins cher ou une entreprise qui aura su communiquer pour augmenter la valeur perçue de son produit.
- Ne pas investir dans la construction de l’image de marque de son entreprise rend celle-ci vulnérable à la moindre crise et obligeant à reconstruire son château de carte après chaque rafale,
- Ne pas investir dans la mise en place d’une vraie politique d’apport de valeur, au travers des réseaux sociaux et du contenu de marque, notamment, enferme l’entreprise dans le rôle de simple ‘fournisseur’ qui disparaîtra de l’esprit du client une fois l’achat opéré, sans possibilité de fidélisation ou de recommandation,
- Ne pas investir dans les réseaux sociaux de la bonne manière, ie. en se plaçant humblement dans une position d’écoute active, de partage et d’échange avec son écosystème, c’est se priver de précieux retours et s’interdire de ressentir des menaces ou des opportunités potentielles faute de savoir écouter,
- Ne pas investir en communication, c’est bien souvent ne pas prendre non plus le temps de définir de manière précise, ses DAS, ses missions, ses valeurs, et donc au final, de mener sa stratégie d’entreprise sur la base d’indicateurs peu différenciants,
- …
Il y en a plein d’autres, plus ou moins spécifiques, relatifs à certains leviers de la communication, plus ou moins adaptés en fonction de l’activité de l’entreprise mais globalement, vous aurez compris ici que mon propos tient à peu de chose : la communication, la prise de recul nécessaire à sa mise en place et la sélection des leviers en fonction d’objectifs qu’on aura pris la peine de définir, permettent à l’entreprise de pérenniser son activité et de s’installer dans une démarche plus saine qui, si elle n’interdit pas de faire appel à des leviers très ROIstes, lui garantit d’exister durablement sur son marché.
Et ce n’est pas parce qu’on ne parle plus (ou moins) de ROI qu’on doit oublier quels sont les KPI à surveiller pour mesurer l’efficacité, pas forcément financière, des actions mises en place… Mais ce sera surement l’objet d’un nouveau billet 🙂
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Glossaire :
- ROI : Return On Investment – retour sur investissement
- RONI : Risk Of Non Investment – Risques encourus faute d’investissement dans la communication
- KPI : Key Performance Indicators – indicateurs clés de performance
- USP : Unic Selling Proposition – Proposition de valeur, promesse marketing
- DAS : Domaines d’activité stratégiques.