De l’importance de sortir la tête du guidon
Aujourd’hui, j’ai rencontré une nouvelle promo d’étudiants. Après la Fac et un Master “généraliste”, je découvre des étudiants qui se destinent à l’entrepreneuriat et à l’innovation, geeks jusqu’au bout du clavier. Tous sur Twitter, ayant de l’ordinateur une vision un peu plus technique qu’un simple utilisateur, familiers avec les notions de développement, d’API, de serveurs de domaine, de SEO. Mon travail est facilité par leur compréhension de l’outil, je peux aller plus loin dans mes explications, ils en saisissent mieux les implications. C’est le bonheur 🙂
Sauf que voilà, je me rends compte qu’ils ne sont pas “tout le monde”, qu’ils font partie, eux aussi, de cette bande de geeks que nous sommes, adeptes du checkin compulsif, les deux pieds dans les réseaux sociaux et la tête dans nos nuages de mots clés. Bien loin de mes étudiants généralistes, plus difficiles à transporter vers des notions abstraites de marketing, de tracking, d’analytics, de KPI, qui manquent atrocement de bagage technique. Mais ces étudiant ont l’immense mérite de me faire sortir la tête du guidon, le nez du clavier, les doigts du Klout.
Regardez autour de vous. Combien d’iPhone voyez-vous fleurir dans les mains de vos voisins de métro, de bus, de tramway ? Combien de vos amis, parents, voisins, ont acheté un iPad à Noël ? Pensez-vous sincèrement qu’ils ont de ces outils la même utilisation que nous en avons ?
Je me livre régulièrement à des sondages, quand je forme des équipes de salariés ou que je rencontre une nouvelle promo, et vous seriez surpris… Tout le monde n’est pas sur Facebook, même si tout le monde connait. Beaucoup ne connaissent ni Linkedin, ni Viadéo. Twitter est un nom reconnu mais peu savent ce dont il s’agit et rares sont ceux qui y ont un compte (pour ne pas dire extrêment rares). Quand ils disposent d’un iPhone, nombreux sont ceux qui n’ont pas de forfait 3G, se contentant du wifi, et beaucoup n’ont jamais téléchargé d’application (certains ignorant même que c’est possible). Instagram et Tumblr sont inconnus au bataillon, je ne parle même pas de Path et Foursquare, s’il est parfois connu de nom, reste anecdotique en terme d’utilisation.
Certes, j’habite en Province, mais je ne pense pas que ce soit la raison (je vous vois venir, amis Parisiens ;)).
Il y a une économie hors web, une économie traditionnelle, qui perdure et prospère sans avoir d’usage particulièrement poussé du web. Il y a un monde hors web, des gens qui vivent et échangent sans être accrochés à leur écran tactile. Ils sont même heureux, c’est fou.
Je ne suis pas entrain de faire un énième indigestion digitale. J’aimerais juste que parfois, les gens du web (dont je fais partie) regardent les réfractaires à Facebook avec un regard moins condescendant, qu’on arrête de juger de la compétence des gens au nombre de leurs fans, qu’on cesse de vendre du digital à toutes les sauces et qu’on s’attarde un peu plus sur ce qui ‘fait’ l’homme, ce qui ‘fait’ l’entreprise, son ADN, sa raison d’être, plus que sur l’image qu’il, l’homme, ou elle, l’entreprise, se construit sur les réseaux sociaux à grands renforts de community managers embauchés dans l’urgence sur les conseils des gens du web (dont je fais toujours partie) qui ne voient, hors du web, point de salut.
J’ai participé il y a deux semaines à TEDx Montpellier. Pour ceux qui ne connaissent pas : “Une manifestation TEDx a pour but de réunir des intervenants d’exception avec des participants mobilisés pour échanger des idées nouvelles et les propager à travers le monde. Le x qui s’ajoute à TED, souligne qu’il s’agit d’une émanation de l’évènement annuel TED, organisé de manière indépendante, mais qui répond au cahier des charges de TED”. Globalement, en 18 minutes, chaque intervenant doit faire passer un message “inspirationnel” qui changera le regard des autres sur le (son ?) monde.
La vidéo qui suit est celle de la conférence de clôture, et elle tombe à point pour cet article, Daniel Herrero nous livre un moment d’antologie, de bon sens, d’amour et d’espoir. Son regard sur la technologie, sur la relation à l’Autre, sur ce qui change le monde, le tout avé l’assent d’Ovalie, à grands coups de poing sur le flanc, m’ont scotchée sur place.
Il y a des gens fabuleux hors de nos murs digitaux, je vous assure.